
MON PAYS LA FRANCE
3Quand les Français débarquèrent sur nos côtes, le mot algérien n’existait pas. Notre histoire commence en
1845. En 1830, en cette terre d’Arique du Nord, c’est le chaos, deux millions d’esclaves rançonnés par les
pillards ou les féodaux, rongés par la syphilis, le trachome, le choléra, la malaria. Des déserts, des
marais pestilentiels, plus rien de ce qui avait été la paix romaine. La France nous aurait volé notre patrie ?
... Allons, ce n’est pas sérieux et je souffre quand j’entends d’honnêtes gens soutenir cette thèse. Entre
le marché de Badistan et l’hôpital Mustapha, entre le bureau arabe du maréchal Bugeaud et le budget social de
l’Algérie, les dunes arides du Sahara et le complexe pétrolier, les terres desséchées et les barrages de
Beni-Bahdel et Foum-el-Gherza, un siècle seulement s’est écoulé.
Quand je me promène dans certaines communes de France, sans eau, sans électricité et qu’il m’ arrive d’y
rencontrer des paysans vivant comme au Moyen-Age, quand je parcours certains quartiers ouvriers de la
métropole avec leurs misères innommables, je me sens moins sévère pour ce qui n’a pas été fait en Algérie.
On a dit Napoléon III le pensait déjà que l’Algérie coûtait plus cher qu’elle ne rapportait. C’est le Second
Empire qui a introduit cette notion de rentabilité de l’Algérie en créant les premières sociétés à actions,
mais il serait malhonnête de porter ce capitalisme anonyme au compte des Français d’Algérie. Les trusts
internationaux sont, hélas, une réalité et certains petits épargnants français qui surveillent le rapport de
leurs coupons seraient peut-être surpris si on leur disait que, beaucoup plus que les pieds-noirs, ce sont
eux qui ont fait suer le burnous (...). On a laissé insulter ces soldats que j’ai vu tenir les mancherons de
la charrue dans les champs de nos paysans, mettre au monde des petits musulmans, les soigner, leur apprendre
à lire, à travailler."
Bachaga Boualam