
L’oued de ma mémoire de Marc Testud
C’est un livre fort émouvant. Dans un style à la fois dépouillé et souvent poétique, Marc Testud réussit à faire entrer le lecteur dans la vérité de sa vie. Novi, ce village d’Algérie que nul ne connaît ou n’a connu en dehors de ses habitants, vit là, dans ce livre, avec une intensité incroyable. On pense souvent à Pagnol en lisant les descriptions des paysages. C’est la même manière à la fois sobre et prenante de nous faire partager la vie quotidienne, cette vie qui va basculer d’un seul coup vers le cauchemar. Pas de vaine sensibilité, pas de misérabilisme dans les sentiments exprimés. Seulement de l’« anxiétude », selon le mot d’un professeur qui résume bien l’inquiétude que l’on ne peut exprimer.
« Depuis plus d’une génération, nous étions en quelque sorte au balcon de l’histoire. Nous considérions tous ces drames lointains et ces tumultes sanglants comme s’ils se déroulaient sur une autre planète : les insurgés de l’Aurès ? Des bandits extraterrestres ! Mon village était un périmètre à part où le soleil brille éternellement. C’est du moins ce que ses habitants voulaient croire avec ferveur et naïveté ». La fin de cette « naïveté » est racontée avec pudeur et sensibilité.
Le dernier grand chapître s’intitule « Longtemps après » et c’est le récit d’un voyage pèlerinage à Novi-Sidi Ghiles, à la fois mélancolique et heureux. Heureux d’une sympathie retrouvée, triste d’un passé à jamais fermé. « Chanson d’exil » où l’imagination tourne en rond, « obstinément, comme autrefois tournaient inlassablement les mulets, attachés à leur guide ».
Je suppose qu’après ces quelques lignes, on aura compris que j’ai bien aimé ce livre. J’espère que les lecteurs y verront aussi cet amour du pays natal, débarrassé de toutes les scories que d’autres veulent y ajouter.
Jeanine de la Hogue
(mémoire plurielle, les cahiers d’Afrique du Nord)
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