L’OCEAN DE MA MEMOIRE
L’OCEAN DE MA MEMOIRE
Dans l’océan de ma mémoire,
parfois se dessine lentement comme des reflets dans un miroir l’Algérie de nos vingt ans Dans la jeunesse et l’insouciance le bleu des vagues nous berçait avec tendresse, sans expérience nous laissions le temps passer |
Sous le soleil généreux sous un ciel d’azur enchanteur nous allions confiants et heureux en partageant notre bonheur Nous étions amoureux de tout du ciel, de la nature, des fleurs nous ne savions pas que des loups dans l’ombre préparaient la terreur |
Et puis soudain ce fût l’orage
qui devait détruire nos bonheurs et les meurtrir dans le naufrage du beau pays de nos malheurs En Algérie des hommes en armes s’affrontaient la nuit et le jour ce fût la guerre, le temps des larmes mêlé au temps de l’amour |
Dans le djebel des embuscades entâchaient la terre de sang par armes blanches ou fusillades la mort frappait des innocents leurs corps gisaient dans la poussière horriblement mutilés accompagnées de nos prières |
Le bruit des tam-tam en colère
appelait des rebelles au combat excités par les you-yous amers des femmes voilées de la casbah Dans les villes ils posaient des bombes qui faisaient tomber des maisons et provoquaient des hécatombes sans aucune valable raison |
Hélas c’est la loi de la guerre il faut mourir ou gagner la défense fût nécessaire nous dûmes nous y résigner en punition de leurs crimes des rebelles furent chatiés pas autant que nos victimes au nom de notre humanité |
Toujours animés d’espérance
aucune haine, nulle peur dans notre pays de naissance ne venait troubler nos coeurs, ce furent l’espoir et la confiance qui tissèrent la trame du temps de ces longs jours de souffrances qui devaient durer sept ans |
Tous les civils désarmés
s’en remettaient aux militaires avec honneur on proclamait la légitimité de la guerre Dans les grandes manifestations on scandait"Algérie Française" puis on chantait à l’unisson notre hymne "La Marseillaise" |
Des barricades s’érigeaient
nous protestions à juste raison contre les crimes et les ratés d’une politique d’abandon Mais des traîtres à double façe soutenaient l’indépendance et voulaient effacer de l’espace "tous ces roumis venus de France" |
De Paris, le chef du pouvoir qu’ils appelaient "maître de l’heure" glossait sur "le vent de l’histoire" les entraînant dans ses erreurs Sous son ordre ses "hauts-placés" soutenaient fort sa position ses politiciens négociaient la honte d’une injuste partition |
Encore confiants on espéraient
que la population de France pour nous soutenir voterait un refus de l’indépendance Le FLN hurla "Victoire" poourtant battu sur le terrain quand la France lui offrit la gloire d’une Algérie sans lendemain |
Ceux qui voulaient rester Français prirent le chemin de l’exil, laissant derrière eux leur passé pour affronter d’autres périls Sous son soleil, sous sa lune sous son ciel d’azur d’Outre Mer nous avons connu l’infortune de devoir quitter notre terre |
Notre belle France d’Algérie
nous ne pouvons pas t’oublier condamnée par notre Patrie tu vis dans nos coeurs d’exilés, tu fais partie de notre histoire et faisais partie de la France et ta place dans nos mémoires est amour bien plus que souffrance |
La France tout autant notre terre déjà dans le passé l’était nos Pères ont honoré ses guerres sans jamais les déserter et pour que chacun s’en souvienne nous entonnons notre refrain notre belle chanson ancienne "C’est nous les Africains" |
Adieu ma ville, Alger-la-Blanche
Adieu printemps de nos jeunesses Adieu nos douces maisons blanches berçeaux de joie et de détresses Adieu, vieux arbres centenaires vignes, moissons, jardins fruitiers plaines, montagnes, fleuves et rivières mer, plages, paysages cotiers... |
Et pour marquer le temps qui passe quarante trois ans se sont inscrits dans ma mémoire bien en place le mot "liberté" est inscrit Oui, tout s’apaise et vient mon soir, je suis la perdrix de retour (1) et c’est ici mon territoire Oh ! belle France de mes amours |
(1) J’avais 12 ans en 1945 et déjà ma grand-mère Agathe Gornès, épouse de feu Paul Laurent Guillaume PONS, me citait ce vieux proverbe français en regardant vers le Nord, c’est à dire vers la France : "la perdrix retourne toujours au nid" ; à cette époque, suite aux évènements de Sétif, elle pressentait qu’un jour nous devrions partir, pour rester Français ; décédée en 1959, elle n’a pas vu la fin de la guerre.