Joies et tristesses d’une famille de "COLONS" d’Algérie !

, par Jean-Claude THIODET

En 1920,Paul B. , âgé de 18 ans, né à Toulon, orphelin de père, part en Algérie pour y faire des études d’ingénieur en agronomie, et satisfaire à ses obligations militaires.

En 1927 une propriété est mise en ventes aux enchères par le Gouvernement Général de l’Algérie

Il s’agit d’une propriété de 80 hectares .
  Nature du terrain : sablonneux dans la partie Nord, argilo-calcaire dans la partie Sud avec quelques affleurements rocheux : parcelles en friche (broussailles et palmiers nains).
L’acheteur est soumis à obligation de mise en valeur : culture, cheptel, construction des bâtiments nécessaires à l’exploitation.

Obligation également d’habiter sur place et interdiction de revendre avant 20 ans.

Cette propriété sise au GUELTA

pratiquement en bord de mer à l’ouest de TENES est acquise par Madame Auguste BANON, ma grand-mère habitant Toulon en France, restée veuve avec 8 enfants à charge.
annonce légale de la vente de la propriété du Geulta

suite de l’annonce

Cette propriété sera donc exploitée par mes parents.

En 1936,la crise touche le monde agricole : les difficultés rencontrées pour faire face aux emprunts obligent mon père à exercer une autre activité.

 Paul BANON, ingénieur agricole travaille donc au service des prêts de la Caisse Régionale du Crédit Agricole , et par ce fait circule dans toute l’Algérie afin d’étudier les demandes de prêts sollicités tant par les Européens que par les français de souche musulmane.

Il entretient avec tous d excellents rapports.

LE GUELTA sera toujours exploité par mes parents, respectant ainsi les clauses prévues dans l’acte d’adjudication.

La famille BANON devant la maison du GUELTA


En 1950, Jean-Paul BANON, mon frère âgé de 18 ans s’y installe et l’exploite : il prendra quelques années plus tard en fermage une ferme dite BELLOTA située à une dizaine de kms, sur la route de Paul ROBERT . Cette ferme appartenait au Caïd LOUKIL que mon père avait connu au Maroc pendant son service militaire.

En 1954 -commencent les "événements" d’Algérie .


En 1956 juillet Incendie, pillage de BELLOTA ( nous rappelons que cette propriété appartient à un "arabe") : le gardien SAIDI Touati tente de sauver les bêtes dans l’incendie des écuries, IL A LE NEZ COUPE.

Sans l’intervention de l’un des hommes du FLN ses enfants auraient être brûlés vif par le chef du commando.

Ramené au GUELTA avec sa famille,Touati perdra la raison et disparaîtra plusieurs jours par mois sans se souvenir de ces passages à vide.

André BANON. âgé de 23 ans s’installe alors avec son frère Jean-Paul sur la ferme du GUELTA.
La maison du GUELTA fortifiée

En décembre 1956, la ferme du GUELTA est incendiée : la maison d’habitation est détruite par les flammes.

1957-1958 mon cousin Maurice NOIREL jeune militaire vivant à Nancy, appelé du contingent est enlevé en KABILY, alors qu’il était responsable d’une S.A.S. On ne le retrouvera jamais : seul un petit carnet lui appartenant sera découvert.

Jean-Paul .saute à plusieurs reprises sur des mines : le camion est endommagé.
le camion Peugeot "blindé" pour aller travailler aux champs

lettre de Jean-Paul BANON à ses parents

Les militaires français demandent à mes frères qui parlent couramment l’arabe de les
accompagner lors d’une opération de repérage et localisation d’une bande de rebelles dans la région. André . est blessé à une main,

Étant civil dans une opération militaire il connait quelques problèmes relativement aux soins que nécessite son état. (militaires, gendarmes, personne ne veut se mouiller)

Monsieur COCO agriculteur à BORDJ BAAL à quelques kilomètres du GUELTA est assassiné, sur la route : son gendre M. VITTI réussi à s’échapper et arrive chez mes frères après plusieurs heures de fuite avec une grenade dégoupillée à la main prêt à se tuer lui-même plutôt qu’être pris par les fellagas : grande frayeur pour tous.( Certes !!!)

A la demande de M. VITTI et sur les instances des responsables administratifs de l’armée l’ensemble du secteur étant en zone interdite, avec regroupement des populations. nous avions obligations de donner du travail aux hommes vivant dans le village. La ferme de BORDJ BAAL fut reprise en métayage par mes frères.

Une partie du troupeau de bovins disparaît de la ferme du GUELTA

Installation d’un poste militaire sur la propriété de BORDJ BAAL.

30 septembre 1959 ASSASSINAT de mon père Paul BANON., en service commandé.

Il revenait d’une inspection pour la caisse des Prêts Agricoles du Gouvernement Général.A cette époque des convois militaires ouvraient le matin et fermaient le soir les routes autorisées à la circulation. mon père voyageait de BERROUAGHIA à ALGER peu avant la fermeture de cette route et tomba dans l’embuscade tendue par les fellaghas contre le convoi militaire. Sa mort évita un massacre sans doute plus important .

On lui décernera la légion d’honneur à titre posthume !!!.

Le 13 mai 1960 pendant les moissons,ASSASSINAT au GUELTA de Georges Trofimoff, mon cousin, élevé par mes parents, âgé de 33 ans.
Georges T. s’était installé dans les années 1952.

Sa femme et ses 2 jeunes enfants de 4 et 6 ans furent recueillis à Alger par ma mère.

Jean-Paul B. continua d’exploiter la ferme pour le compte de Madame T. L’exploitation avait été incendiée en été 1958.

En Juin 1960, attaque de la ferme de Georges TROFIMOFF pendant les travaux agricoles. Les "colon" repoussent cette attaque : l’armée leur avait confié des fusils Mas 36 en échange des fusils Lebel dont on les avait équipés précédemment.

Le nommé Pepiou( alias SAIDANI) qui avait grandi sur la ferme de mes grands parents maternels dans cette même région , ancien FLN repenti, fut responsable d’un groupe d’auto défense à quelques kilomètres. Il venait assurer la protection de mes frères lors des vendanges ou autres travaux.

Venu un jour sans prévenir le chef de poste militaire le désarma et le rendit à la vie civile.

Pour le préserver d’une mort certaine, mon frère l’accueillit chez lui.

Le30 mars 1961, ASSASSINAT sur la ferme TROFIMOFF. de JEAN-PAUL BANON.

André BANON tente néanmoins de maintenir en activité les fermes du GUELTA en s’appuyant sur les ouvriers tout en exerçant une surveillance sur la ferme de ROUIBA.

En septembre j’ai 15 ans mon frère André me laisse seul sur le chantier des vendanges de BELLOTA sous la protection de deux ouvriers armés de fusils de chasse, car le plus proche poste militaire est à 4 kms, pendant que lui-même procède au transport des raisins jusqu’à la coopérative distante de 20 km, tous les soirs nous rentrons chacun au volant d’un camion avec les ouvriers.

 mars ou avril 1962 : J’accompagne mon frère sur la ferme de BORJ BAAL. Le poste militaire qui y était installé l’a quitté (application des accords d’EVIAN) : le regroupement des populations existe toujours ; Le drapeau vert et blanc flotte sur l’ancien poste français.

Nous discutons avec le FLN :- nous sommes les seuls européens dans un rayon de 15 kms-. Un homme d’une cinquantaine d’année me semble t’il, armé d’un fusil de chasse, s’avance : la discussion continue : un autre plus jeune s’avance près du camion et fouille la cabine, nous repartons.

Ce jour là j’aurai pu, moi aussi être enlevé.++++

Le 8 mai-DISPARITION d’André avec SAIDI et KAILOUS entre Orléans-ville et, le GUELTA (distants de 85 kms), selon les archives.

En Août 1962, ma mère est mise en demeure par l’état algérien de reprendre l’exploitation des fermes du GUELTA.

En 1963, ma mère Madame Oliva BANON qui exploitait la ferme de ROUIBAvoir le site près d’Alger échappe à une tentative d’enlèvement de la part d’un ouvrier agricole que la police de ROUIB lui a ordonné d’engager.

Nous quittons l‘Algérie :

j’ai 16 ans

CONCLUSION :

La nécessité de s’insérer et les difficultés rencontrées ont fait que la priorité naturelle a été de travailler. Ce n’est qu’en fin de carrière plus de 40 ans après les faits que j’ai entrepris un travail de recherche et il m’est apparu que les documents officiels révélaient quelques anomalies, que j’ai relevées en 2002.

Depuis après avoir localisé le lieu de rapatriement des Harkis du GUELTA j’ai pris contact avec eux, puis des liens ce sont renoués avec les anciens employés de l’exploitation vivant en Algérie.

Des contacts réguliers m’ont permis de connaître le lieu d’arrestation et d’exécution de mon frère et des deux musulmans enlevés en même temps que lui.

Les archives contiennent un certains nombres d’erreurs.

N’y aurait pas lieu de creuser cette piste ?
De même qu’il serait intéressant dans le cadre du H.C.R.(?!!!) d’établir une carte géographique du rapatriement des supplétifs musulmans.

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