
CASSAIGNE, le 1er Novembre 1954
L’Histoire a retenu que la première victime de l’insurrection Algérienne a été Guy MONNEROT. En réalité, c’est LAURENT FRANCOIS qui fut le premier tué de cette guerre.
LAURENT FRANCOIS est né le 6 février 1939, il a 22 ans quand il sera assassiné le 1er Novembre 1954 vers 1 h 30.
Grace à son courage (il aurait pu s’enfuir et rentrer chez lui), il évita une effusion de sang plus importante sur le
village de CASSAIGNE et en particulier à la gendarmerie.

Dans la nuit du 31 Octobre au 1er Novembre 1954, un groupe de fellaghas sous les ordres de Sahraoui et Belhamiti
s’apprètent à attaquer la gendarmerie de CASSAIGNE. Ils disposent d’armes de guerre (3 carabines italiennes et un fusil mauser).
De leur coté LAURENT FRANCOIS et MENDEZ JEAN FRANCOIS reviennent d’un bal à Mostaganem et rentrent chez eux à PICARD en 4cv.
A la sortie de OUILLIS en direction de CASSAIGNE, ils aperçoivent un homme en sous-vêtements, au bord d’une rangée de vignes.
L’homme ne bouge pas mais leur fait de grands signes. Ils s’arrêtent à sa hauteur et ouvrent une portière. Ils ont juste le temps d’entendre l’homme leur crier d’aller chercher du secours que des coups de feu résonnent dans la nuit. Il s’agit de Mr MIRA, gérant de la ferme MONSONEGO.
Le pare-brise de la 4 CV vole en éclats ainsi que la vitre de la portière du côté de LAURENT qui re-démarre en trombe. Ils étaient complètement hébétés et ne réalisaient pas ce qui arrivait. LAURENT a du sang sur le côté gauche du front. Il s’éponge le front avec un mouchoir. Ils décident d’aller avertir la gendarmerie de CASSAIGNE. Ils arrivent en trombe sur la petite place devant la gendarmerie. Ils ne prennent pas le temps de refermer les portières ni d’éteindre les phares.
Ils sonnent désespéremment au portail d’entrée et attendent qu’on leur ouvre. Ils sont éclairés par l’ampoule électrique allumée au-dessus du portail qui faisait d’eux une excellente cible pour les tireurs embusqués. Belkoniène et Tehar, en position à une vingtaine de mètres tirent chacun un coup de feu. LAURENT FRANCOIS s’écroule, mortellement atteint d’une balle à la nuque, MENDEZ Jean-François est frolé par la balle, il s’affaisse mais n’est pas atteint. Le troisième coup de feu n’atteint personne. Les terroristes s’enfuirent.
Dans la rue, des lumières s’allument dans un grand bâtiment qui se trouve être la prison. MENDEZ voit LAURENT qui ne bouge pas. Il appelle au secours mais personne ne répond. Il décide de s’enfuir, dévale une pelouse et tombe nez à nez sur un gardien de nuit qui dirige son fusil dans sa direction. Il parvient à lui expliquer ce qui se passe. Un second garde de nuit arrive en titubant et leur dit qu’il vient de se faire attaquer. Ses agresseurs lui ont volé son fusil. Une autre personne, qui apparaît en haut du talus avec une lampe torche à la main demande ce qui se passe. MENDEZ répond qu’ils ont besoin d’un docteur pour le copain qui est blessé et qui gît devant la porte de la gendarmerie.
Ils courent chez le docteur GUILBERT qui a été réveillé par tout le bruit. Il se rend immédiatement au chevet de LAURENT.
MENDEZ retourne devant la gendarmerie, recogne à la porte d’entrée et actionne les klaxons des voitures.
Enfin la porte s’ouvre et deux gendarmes apparaissent. Le docteur qui est en train d’examiner Laurent demande aux gendarmes d’appeler du secours.
Le docteur fait un premier diagnostic qui n’est pas rassurant et demande aux gendarmes d’avertir les autorités.
Les gendarmes se mettent au travail mais il n’y a plus de téléphone. Toutes les lignes téléphoniques ont été coupées. Le seul contact reste la radio ; il est presque 2 heures du matin. Il faudra attendra l’heure de vacation avec la gendarmerie de MOSTAGANEM.
Le chauffeur de l’Administrateur arrive avec un fourgon qui servira d’ambulance au transport de LAURENT, toujours inanimé, à l’hôpital de MOSTAGANEM. LAURENT succombera avant son arrivée à l’hôpital.
MENDEZ reste à la gendarmerie afin d’y être interrogé. Les gendarmes ont enfin la vacation avec MOSTAGANEM qui met
alerte toute la région.
Les gendarmes s’apercevront que les chiens avaient été endormis et que les terroristes étaient déjà parvenus sur le toit. La mort de LAURENT avait sauvé la gendarmerie d’un drame sanglant.
Le gérant de la ferme MONSONEGO, Mr MIRA, en était quitte pour une grosse peur. Les terroristes avaient tenté de faire sauter le transformateur électrique de OUILLIS qui alimentait tout le Dahra.
Les obsèques de Laurent François eurent lieu le 3 ou 4 novembre. Tout Picard était là, les villages voisins également étaient venus rendre un dernier hommage à cet enfant du pays de 22 ans. Beaucoup de monde mais pas un seul officiel, pas une seule autorité n’assista à ses obsèques.
Le lundi 8 novembre MENDEZ Jean François est appelé pour une reconstitution des évènements à CASSAIGNE. Il demande une escorte qui lui est refusée et n’assista pas à cette reconstitution. Les terroristes avaient été arrêtés quelques jours plus tôt et leur chef abattu.
Lors de cette reconstitution, un gendarme dit qu’il était inadmissible que le témoin principal ne soit pas présent et l’on se rendit compte qu’il y avait encore sur le portail de la gendarmerie des petits morceaux de cuir chevelu et des mèches de cheveux de LAURENT.
Dans le mois qui a suivi, presque tous les gendarmes ont été déplacés. Aucun motif n’a été communiqué.
On n’a plus entendu parler de l’attentat de CASSAIGNE jusqu’au jour du jugement des terroristes, le 23 juillet 1955, où la sentence a été prononcée :
Condamnés à la peine capitale : Belkoniène Taïeb, Tehar Ahmed et Saharoui Abdelkader ;
Travaux forcés à perpétuité : Belhamiti ;
20 ans de travaux forcés : Chouarfia, Belkoniène Mohamed.
MENDEZ assista au jugement. Il fut dédommagé d’un remboursement de son déplacement de la journée, il bénéficia d’un "acte de courage et de dévouement" signé du Ministre de l’Intérieur, François MITTERAND en 1956 et d’une carte de félicitations de Roger Le BARON de SAIVRE, député d’Oran et de l’Assemblée Nationale.
LAURENT François n’eut pas les honneurs de sa Patrie.