
BONE ... Le 13 Décembre 1960
Décembre 1960 ... Deux ans après le mouvement du 13 Mai 1958 qui l’a porté au pouvoir, DE GAULLE vient faire un voyage provocateur en Algérie où il ouvre la porte de "l’Algérie Algérienne" et le Délégué Général Jean MORIN fait descendre les musulmans dans les rues au cris de "Vive DE GAULLE"
BONE, le 13 Décembre 1960, rue SAUNIER ... souvenez-vous.
Déposition de M. G. FLOIRAT, Architecte, domicilié Avenue Garibaldi à Bône
Vers 16 heures, j’ai entendu scander le slogan
"Algérie Française" et je suis sorti sur mon balcon.
Un groupe d’une centaine de jeunes manifestants débouchait de la Rue Bugeaud, en direction du quartier de la
Colonne.
Des forces armées étaient de faction aux abords, constituées par des petits groupes de légionnaires en béret vert.
A l’approche de la manifestation, les forces de l’ordre n’ont rien fait pour s’opposer au passage de la
colonne qui a poursuivi librement son chemin.
Elle s’est engagée Rue Camot, en se bornant à scander "Algérie Française", mais sans manifester d’agressivité.
10 minutes plus tard, la manifestation revenait par l’Avenue Garibaldi et débouchait sur le carrefour
de la Colonne. Les bérets verts, mitraillette sous le bras, ont barré la route vers la place Marchis. La tête
de la manifestation a fait demi tour, en indiquant la rue Saunier comme point de direction et le cortège s’est engagé dans cette rue. L’émotion provoquée par la formation du barrage a fait cesser les cris, qui se sont arrêtés quelques instants plus tard. Les bérets verts, qui avaient formé le barrage, se sont précipités vers l’entrée de la rue Saunier, pour établir un nouveau barrage. Quelques secondes après, j’ai entendu plusieurs salves de mitraillette. Les soldats étaient en position de tir. Des victimes, morts et blessés étaient étendues sur le trottoir, baignant dans leur sang. Des témoins de la fusillade, indignés, étaient descendus dans la rue et manifestaient violemment leurs sentiments devant le massacre de ces jeunes gens, presque des enfants, alors que d’autres, restés à leur fenêtre, criaient leur réprobation.
Ces écoliers n’avaient d’autres armes que leurs cartables et leurs règles à dessin. Les militaires ont ouvert le feu sur eux, les mitraillant à bout portant.
Le jeune KANDEL, qui venait derrière ses camarades, n’a pas été pris dans la souricière. Il s’est enfui en
contournant le Palais Loucheur. Comme il arrivait vers le milieu du square Randon, un militaire, posté à
l’angle du Boulevard Papier, avec un fusil à lunette, lui a tiré dessus et l’a tué net d’une balle dans la
tête.
J’ai téléphoné au Procureur de la République de Constantine, je me suis mis à sa disposition pour l’informer. Il m’a répondu qu’il était au courant, qu’il était indigné et bien décidé à poursuivre l’affaire. Il m’a engagé à faire une déposition écrite à la Gendarmerie, ce que j’ai fait.
Depuis, je n’ai eu aucun renseignement sur la suite de cette affaire et je n’ai pas retrouvé la copie de ma déposition.
Signé : G. FLOIRAT
